Bague Lefkos diamant chocolat
Les portraits

Dans les coulisses du métier de joaillière

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Pour ma dernière enquête, j’ai eu le privilège de plonger dans l’univers éblouissant de la fabrication des bijoux aux côtés d’une joaillière dont le savoir-faire est aussi fascinant que ses créations sont resplendissantes…et secrètes !

Sans avoir besoin d’ouvrir le coffre-fort de son atelier, notre joaillière, véritable magicienne des métaux précieux, a partagé ses secrets les mieux gardés, ses techniques et outils, ainsi que les défis liés à son métier. J’ai scruté les facettes et les nuances de son travail, pour vous offrir une plongée captivante dans son univers scintillant. 

Quel est ton premier souvenir bijou ? 

Lorsque j’étais enfant, ma mère portait toujours trois ou quatre bracelets. Leur tintement distinctif me faisait penser à elle. Elle souhaitait que ma sœur et moi en recevions un chacune lorsque nous serions grandes.

L’un de mes premiers souvenirs en tant que joaillière remonte à la création d’une pièce unique. À mes débuts, j’ai commencé comme polisseuse, travaillant sur de petites pièces. C’était un projet personnel pour une cliente qui avait collaboré avec une marque pour concevoir un bijou à son image. Ce fut un vrai plaisir de réaliser cette œuvre, une cage d’oiseaux renfermant un gros diamant brut. J’ai adoré l’expérience !

Bague Primavera spinelle rose polie par l'atelier
Créoles Paris 1901 à l'atelier

Peux-tu te présenter ? 

J’ai suivi ma formation à l’école Boulle, où j’ai obtenu deux CAP, l’un en bijouterie et l’autre en polissage, ma spécialisation de prédilection. Après mes diplômes, j’ai débuté dans un petit atelier en tant que polisseuse pendant quelques mois. Depuis huit ans, je travaille dans un autre atelier où, après deux ans, j’ai élargi mes compétences à la réalisation de bijoux. J’ai commencé par des réparations avant de créer ma première pièce : des boucles d’oreilles en haute joaillerie, ornées de têtes de félin serties d’émeraudes. Depuis, j’ai aussi réalisé des bracelets assortis, perfectionnant chaque détail du processus de fabrication.

Quelles sont les étapes de la fabrication d’une pièce de joaillerie et de haute joaillerie ? 

La création d’une pièce de joaillerie suit un processus méthodique et collaboratif. Elle débute par des dessins techniques réalisés par le designer, qui sont ensuite validés par les chefs de projet et les experts en CAO (Conception Assistée par Ordinateur) pour évaluer la faisabilité. Une modélisation 3D permet de vérifier l’esthétique et le confort de la pièce, suivie d’une impression 3D pour créer un moule en cire destiné à couler les éléments en métal.

Le joaillier réalise un montage à blanc avant le polissage et le sertissage. Pour les soudures de précision, une machine laser est utilisée, mais le travail manuel reste essentiel, surtout pour les pièces uniques. En général, la fabrication d’une paire de boucles d’oreilles prend environ une semaine pour le joaillier, quatre jours pour le polisseur et une semaine pour le sertisseur. Une communication étroite entre artisans est cruciale pour garantir une coordination efficace et une finition parfaite.

Bague Lefkos diamant chocolat en plein sertissage
Bague Lefkos en train d'être polie

Quel est ton rôle au sein de l’atelier ? 

En tant que joaillière, je façonne les bijoux en assemblant et en soudant les différents éléments, ce qui requiert la maîtrise de techniques spécifiques et une attention particulière à l’épaisseur de chaque composant pour éviter la fragilité. La précision des formes et des positions est essentielle pour garantir une pièce harmonieuse.

J’utilise divers outils, tels que des cabrons pour poncer légèrement, un maillet pour ajuster les éléments, et un outil électrique pour retravailler les pièces soudées. Les gommes abrasives, adaptées à la forme des pièces, me permettent de polir le métal et d’éliminer les aspérités, tout en veillant à ne pas fragiliser le matériau par une abrasion excessive.

Je travaille également avec des laques, que j’applique sur certaines parties des pièces, durcies sous une lampe UV. Il est crucial de dépasser légèrement les contours pour faciliter la retouche, car un polissage trop agressif peut endommager la laque.

Enfin, je traite parfois des défauts dans le métal, comme les piqûres causées par des bulles d’air, que la machine laser peut corriger. Chaque étape de ce processus nécessite une minutie exceptionnelle pour garantir la qualité et la durabilité du bijou final.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

Ce qui me plaît le plus dans mon métier, c’est l’aspect manuel. Je ne me vois pas travailler dans un bureau ; ma place est dans un atelier. Voir le résultat final après chaque étape de travail est extrêmement gratifiant. Fabriquer des pièces de haute joaillerie est passionnant, car chaque création est unique. J’apprends constamment et ne m’ennuie jamais. L’absence de répétitivité et la durée de réalisation des pièces me maintiennent engagée, et la nécessité d’une précision extrême impose une grande exigence, rendant le résultat encore plus satisfaisant.

Cependant, je déplore que ce milieu reste très masculin. J’ai constaté que mes collègues féminines doivent souvent défendre leur travail plus vigoureusement, et qu’une pièce exceptionnelle est parfois plus facilement attribuée à un homme qu’à une femme. Il est regrettable de devoir prouver sa valeur pour obtenir la reconnaissance de son travail. Heureusement, j’ai un chef d’atelier très ouvert et à l’écoute.

Je suis satisfaite de voir que les grandes Maisons prennent de plus en plus en compte leurs sous-traitants, notamment pour l’approvisionnement en pierres et métaux, désormais très réglementé. En revanche, je trouve dommage que des ateliers soient rachetés par des Maisons, ce qui entraîne souvent une demande d’exclusivité. Cela limite la créativité des joailliers, car collaborer avec plusieurs Maisons est bien plus enrichissant. Toutefois, je comprends que les Maisons cherchent à contrôler leur production.

Bague Lady émeraude en finition de polissage
Bague Primarosa finissant d'être polie pour maximiser sa brillance

Quel est ton projet joaillier le plus fou ?

Ce sont les pièces que je réalise en ce moment-même. Mon chef d’atelier, souhaitant m’aider à progresser, me confie uniquement des créations d’exception, toutes issues de la haute joaillerie et nécessitant un long processus de réalisation. C’est extrêmement gratifiant de voir ces pièces validées par les Maisons lors de leur contrôle final, surtout lorsqu’elles soulignent la qualité du travail accompli. 

As-tu un conseil à donner à quelqu’un qui aurait envie de faire ce métier ?

Rester toujours curieux est essentiel, non seulement vis-à-vis de la joaillerie, mais aussi des autres métiers présents dans un atelier. Apprendre le savoir-faire joaillier est indispensable, car c’est un travail d’équipe où la communication est primordiale. 

La joaillerie est compétitive et fermée ; lorsque l’on change d’atelier, l’ancien employeur vérifie souvent la qualité du travail avec le nouveau. Bien qu’il soit utile d’avoir des antécédents dans le milieu, des écoles spécialisées facilitent l’intégration. Une fois dans le domaine, il est crucial de construire un réseau professionnel, développé à travers les études, les stages et des rencontres informelles, comme celles organisées chaque dernier jeudi du mois, permettant aux joailliers de se rencontrer et d’échanger. Se faire remarquer lors de ces événements est vital pour évoluer et changer d’atelier.

Question bonus ! Une anecdote inédite à nous partager ?

Il y a une anecdote bien connue dans notre milieu. Si un joaillier veut se marier, on pourrait penser qu’il fabriquerait lui-même son alliance. Pourtant, une superstition dit que cela porte malheur ! Il vaut mieux confier cette tâche à un autre joaillier.

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