C’est avec des étoiles plein les yeux que je vous rapporte le verdict de ma dernière enquête joaillière. J’avais dans le viseur l’indécente palette de couleurs des pierres que propose Gemmyo dans ses collections. Sa variété m’intrigue… Qui déniche ces joyaux ? Qui imagine et dessine les collections de la Maison ?
Je vous laisse découvrir le passionnant interrogatoire que j’ai mené auprès d’un témoin en or massif, victime du Beau, mais surtout ensorcelé par les pierres depuis son plus jeune âge, le Directeur du Design et des Opérations Joaillières de Gemmyo, Alexis Coin.
Comment es-tu tombé dans les pierres étant petit ? Quel est ton premier souvenir bijou ?
Initialement, je voulais travailler dans la mode. J’ai toujours été attiré par le Beau, par ce qui est opulent et brillant. Ma mère étant d’origine égyptienne, la culture de l’or et du bijou est très importante. Je ne l’ai jamais vu sans bijou. J’ai toujours voulu comprendre comment ils étaient faits. Quand j’étais petit, je faisais déjà des petits bracelets. En grandissant, je me suis passionné pour l’Histoire. J’avais découvert les trésors des différentes couronnes européennes qui continuent de me fasciner à ce jour. J’ai décidé que c’était ce que je voulais faire. J’avais deux rêves, soit je devenais président de la République, soit je travaillais dans la joaillerie. J’ai choisi la joaillerie, plus simple et accessible, vous en conviendrez !
Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Je me suis orienté très jeune dans la joaillerie. À 14 ans, je suis parti faire un CAP Art & Technique de la Bijouterie Joaillerie dans le centre de la France. J’ai ensuite enchaîné par un BMA, brevet des métiers d’art. Ce sont des études poussées sur l’artisanat et l’Histoire de l’art depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours. L’histoire de l’art était ma matière préférée. Ma thèse portait sur la greffe, dans l’art et le domaine médical. Il fallait créer une collection autour de ce thème.
Pendant mes études, j’ai rencontré beaucoup d’intervenants extérieurs, dont un gemmologue venu nous présenter son métier d’acheteur de pierres, j’étais captivé. Je suis parti sans hésiter dans le sud de la France, à Monaco faire une école de gemmologie. Je l’avais choisie car elle nous emmenait sur place, dans les mines. Ce qui est extrêmement rare ! J’ai pu aller sur le terrain, au Sri Lanka, à Madagascar, en Thaïlande. J’ai terminé cette école, envoûté par les pierres, mais sans perdre de vue la joaillerie…
En revenant à Paris, je suis rentré chez Gemmyo à 20 ans en tant que conseiller de vente. Ce fut un véritable coup de foudre ! Je connaissais très bien la Maison que je suivais depuis ses débuts. Elle était très décriée à l’époque, mais j’admirais leur audace qui venait bousculer les codes de la place Vendôme. L’image me plaisait, tout était à faire, je sentais que j’avais fait le bon choix. Après quelque temps en boutique, j’ai pris en charge le sourcing des pierres. Au début, je jonglais entre ces deux rôles.
Au fil des années, le volume s’est intensifié, je consacrais tout mon temps aux pierres et j’ai petit à petit pris les rênes de la production. Une nouvelle casquette passionnante en contact permanent avec les ateliers. Un vrai bonheur de voir les pièces que nous avions imaginé prendre vie !
Le temps défile, une nouvelle ère Gemmyo s’ouvre : la directrice de la création quitte la Maison. Après quelques échanges avec les fondateurs, je prends en charge le design de la Maison. À ce jour, j’ai la chance de pouvoir toujours exprimer pleinement ma créativité en imaginant et dessinant les plus beaux bijoux pour la Maison. Une folle aventure !
Gemmologue et responsable design Gemmyo, parle-nous de ces deux mondes…
Chaque Maison de joaillerie a sa manière de fonctionner. Certaines ont un service pierre qui reporte directement au service force de vente car le directeur de ce service est passionné de pierres et s’occupe du design. D’autres ont un service pierre et un studio qui travaillent ensemble. C’est le directeur artistique qui tranche. Personnellement, je trouve qu’il n’y a rien de mieux que d’avoir à la tête du design une personne passionnée des pierres et de la joaillerie, de façon à ce qu’il y ait plus de cohérence et que ce soit plus rapide et réactif. Je sais quelle pierre je peux utiliser, quelle pierre aura le meilleur rapport qualité/prix pour telle ou telle pièce, quelle est la dimension qu’il faudrait mieux faire, demander des conseils à des professionnels du milieu.
Gemmyo propose beaucoup de diamants mais reste connue pour ses pierres de couleurs. Il faut pouvoir se distinguer en proposant des pierres différentes, en en faisant découvrir de nouvelles. Pour moi, le design va avec les pierres. Je n’ai pas l’impression d’avoir une double casquette, l’une va avec l’autre, comme un trait d’union.
Je pense que c’est ce qui fait que nous pouvons continuer d’être innovants dans notre manière d’approcher les pierres. Nous sortons des sentiers battus. Il n’y a pas que les grandes précieuses, il y a tellement de pierres, de possibilités. J’ai récemment constaté que des Maisons proposent dans leurs collections de haute joaillerie du cristal de roche dépoli. C’est une pierre qui n’est pas considérée comme une matière précieuse mais cela ne pose aucun problème car ces Maisons considèrent que la pierre sert le design.
Nous faisons énormément de tests. Une fois le design validé, nous échangeons longuement avec l’atelier. La première version est souvent très différente de ce que nous avions imaginé mais cela fait partie du processus. Il faut prendre le temps d’avoir les bonnes côtes, le bon sertissage, le bon polissage, quel savoir-faire ajouter, quelle couleur, quel type de grain, faut-il affiner ou grossir la pièce… Le développement produit n’est plus du design à proprement parler, c’est presque de l’ingénierie. Il doit s’approcher au plus près du dessin. L’approximation n’est pas une option, nous devons viser juste.
Quelles sont tes sources d’inspiration ? On me dit dans l’oreillette que Stéphane Bern et toi partagez une passion commune pour l’histoire des familles royales européennes…
Ce qui m’inspire c’est l’Histoire, et le patrimoine dans l’Histoire, celui d’un pays, d’une culture, d’une civilisation… Je suis très animé par tout ce qui touche à l’architecture, mais aussi par les objets. Je m’arrête toujours sur un objet qui éveille ma curiosité. Quand je passe à côté d’un monument, je touche le mur parce que la matière m’intrigue. Les objets et les matières me passionnent, voir des carreaux, leurs motifs, des soieries… J’ai récemment pu contempler lors d’une exposition à Versailles les soieries commandées par Napoléon pour relancer l’industrie lyonnaise. J’ai découvert un monde de motifs et suis resté bouche bée face à la qualité du travail de la soie, la manière dont les couleurs ressortent. C’est d’ailleurs ce qui m’a inspiré la déclinaison à venir d’une de nos collections…
Le patrimoine, notamment dans un pays comme la France, nous apporte énormément pour développer des nouvelles pièces et collections de joaillerie. Je suis très heureux qu’un des piliers d’inspiration chez Gemmyo soit l’architecture.
Mon musée préféré à Paris est, sans surprise, le Musée des Arts Décoratifs pour ses 1001 objets et matières qui nourrissent mon insatiable appétit pour le design. Je vous conseille vivement d’aller admirer leurs collections permanentes de bijoux !
Des idées sur les tendances à venir dans les pierres ? Si tu devais mettre en avant une pierre méconnue, tu choisirais laquelle ? Pourquoi ?
Je choisirais le béryl vert. Il me fait penser à l’émeraude mais il est pourtant complètement différent. Il existe dans des nuances de vert très vives, mais aussi dans des tonalités plus douces, légèrement amande.
Pour les tendances, je pense qu’elles reviennent aux saphirs de couleurs, aux pierres de couleurs de manière générale. Je pense au orange, aux nuances de coucher de soleil, typiquement à ce que le saphir Umba peut proposer. Les Maisons et les clients s’affranchissent du blanc, du bleu et du rouge pour aller vers du vert, du jaune et du orange, des teintes plus assumées. Les motifs et styles traditionnels laissent place à plus de créativité. Nous sommes dans une ère de la joaillerie qui propose des formes très rondes et organiques. Il y a une volonté de casser les angles, d’éliminer le plat pour magnifier le relief. La tendance s’affranchit des codes traditionnels ancrés depuis ces 20 dernières années en Europe. Ce marché est d’ailleurs radicalement différent du marché étranger. Par exemple, il y a un vrai contraste entre le marché anglais et français. Côté outre manche, la joaillerie va être plus créative et moderne. En France, nous allons porter des pièces qui utilisent de très anciennes techniques de sertissage, sur des pierres taillées à l’ancienne mises en avant par des designs contemporains, entourées de laque… La joaillerie française est créative mais aime revisiter ses classiques. Le client français n’aime pas les créations délurées. Il aime acquérir des pièces qu’il pourra porter toute sa vie. Il veut être rassuré de porter un bijou. Cette clientèle ne sera pas intéressée par la haute couture, mais plutôt par le prêt à porter dans sa manière de porter le bijou. Je pense que les Français vont progressivement passer à des créations plus modernes, s’affranchir des classiques mais cela va prendre du temps… Dans quelques années, j’espère que les bijoux plus audacieux seront la norme !
Question bonus ! Ton portrait multifacette…
Si j’étais…
Un bijou, je serais une broche.
Une pierre, je serais un saphir vert, traditionnel mais créatif !
Un plat, je serais un falafel ! Ses saveurs me rappellent mon enfance et mes origines.
Un objet d’art, la lampe dorée Élysée conçue par l’architecte Marc Held pour son style très industriel.
Une destination pour cet été, j’adorerais retourner à Berlin !
Un château, Chambord, sans hésiter. C’est mon préféré, je le trouve exceptionnel et impressionnant, il souligne parfaitement la grandeur de notre architecture.
Une muse, Dalida ! C’est une artiste incroyable, qui joue ses chansons aussi bien qu’elle les chante ! Elle a un côté théâtral qui me fascine, elle a réussi à s’adapter à différentes époques. C’était une femme libre, ouverte et brillante.
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