J’ai récemment demandé à l’une de mes précieuses sources journalistiques, très pointue en joaillerie, d’enquêter sur l’histoire du bijou masculin. Trop longtemps négligée au profit des parures féminines, cette histoire d’une grande richesse méritait d’être examinée de plus près. Pour Gemmyo, ma source a passé au peigne fin l’épopée des ornements pour hommes.
Je vous rapporte les mots de son investigation aux allures de voyage dans le temps …
Les hommes et les bijoux, toute une histoire ! En effet, en France comme en Europe, les parures masculines en disent bien plus long qu’on ne le pense. Bagues, colliers, plastrons ou bracelets, des fastes aristocratiques à la bourgeoisie industrielle, les transformations sociales et culturelles se racontent aussi à travers les ors et joyaux portés – ou boudés – par la gent masculine.
Depuis près de 100 000 ans, les bijoux dessinent les contours non seulement de la mode, mais aussi des grands mouvements socioculturels. Si les premières traces d’ornement remontent au paléolithique, c’est l’Antiquité, avec l’essor des techniques d’orfèvrerie et l’utilisation de l’or, qui marque un tournant décisif en faisant du bijou masculin un signe extérieur de… richesse.
Puis, au fil des siècles, chaque époque, du Moyen Âge à la Renaissance, a sculpté ses propres codes esthétiques. Au XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, à la lumière des lustres de Versailles, les « hommes paons » et la noblesse de titre exhibent, à travers une explosion de carats signés par des joailliers ambulants, leur rang et leur pouvoir. Mais un siècle plus tard, la Révolution française et l’abolition des privilèges rebattent les cartes et initient un changement radical. En renversant l’aristocratie, la bourgeoisie, aux valeurs austères et pragmatiques, impose une certaine discrétion, qui sera ensuite renforcée par la chute de l’Empire napoléonien.
L’avènement de la révolution industrielle et l’ouverture des frontières, notamment avec les États-Unis, accélèrent cette transformation des codes du bijou masculin. De nouveaux acteurs économiques, banquiers et industriels, incarnent désormais l’homme moderne. L’extravagance des parures a définitivement cédé sa place à des bijoux fonctionnels : montres à gousset, épingles à cravate et chevalières sont désormais les symboles d’une classe moins oisive, privilégiant le travail et l’efficacité. Mais cette dynamique, propre à l’Europe, n’est pas celle des pays orientaux et asiatiques – l’Inde en tête –, qui n’ont pas connu de révolution. À la même époque, lorsque des commandes de parures sont passées pour des femmes, les maharajas comme Bhupinder Singh bousculent la place Vendôme en y déversant des centaines de caisses de joyaux à faire sertir.
Aujourd’hui, en dépit d’une plus grande place accordée par la société contemporaine à l’expression personnelle, les vestiges de ces secousses historiques continuent d’influencer notre perception des bijoux masculins. Et même si la mode pour homme s’est enrichie de nouvelles formes d’ornements, elle conserve malgré tout l’empreinte de cet héritage attaché à la fonctionnalité et à une certaine forme de discrétion.
De plus, la mode, devenue plus inclusive, favorise l’émergence des bijoux unisexes. Cette tendance, où les distinctions de genre s’estompent, laisse place à une expression plus libre et plus individuelle. Bagues bandeaux, joncs et colliers, parfois sertis, portés désormais par des hommes, revisitent ainsi les racines masculines de la joaillerie, créant un pont entre une certaine modernité et un riche héritage.
Cette saga fascinante se termine et nous rappelle que, tout comme un détective rassemble les preuves d’une intrigue, les bijoux sont de véritables pièces à conviction, d’étincelantes clés de compréhension de notre Histoire.
Pas de commentaire